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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

prose rythmée, mais quand elle est faite par un artiste, j’y vois assez de charme. L’obscurité ? oui, en effet, c’est un tort ; si on ne comprend pas maintenant, que sera-ce dans cent ans ? Je sais bien que la poésie n’est pas un art de vulgarisation que chacun doit pouvoir goûter sans effort ; mais c’est égal, je ne suis pas pour l’obscurité. Les archaïsmes ? Je préférerais, en effet, la langue moderne avec laquelle on peut tout dire, quand on a du talent. Jean Moréas, d’ailleurs, en a beaucoup. C’est un artiste charmant, qui manie la vieille langue comme un linguiste, avec beaucoup de grâce. Je connais moins ses émules.


La charmante enfant de tout à l’heure entrait de nouveau.

— Je vais déjeuner avec Jacques.

— Pourquoi ? Hier déjà tu m’as manqué, beaucoup manqué à déjeuner.

— C’est pour aller faire faire la photographie après…

Et elle regardait dehors le soleil.

Très doux, mais sur un ton sincère, M. France dit :

— Tu me désespères.

L’enfant le regarda à demi-touchée, à demi-moqueuse.

— Va, je suis désespéré.

Mais elle, l’embrassant :