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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

gagaïstes, à qui le français de Paul Alexis ne saurait plaire et qui le remplacent par un petit-nègre laborieux.


Un peu « estomaqué », comme dirait M. de Goncourt, par cette sortie inopinée, je demandai à M. Tailhade, avec un léger ahurissement :

— Vous n’êtes donc pas symboliste ?

— Je n’ai jamais été symboliste, me répondit-il. En 1884, Jean Moréas, que n’avaient pas encore élu les nymphes de la Seine, Charles Vignier, avec Verlaine, le plus pur poète dont se puisse glorifier la France depuis vingt-cinq années, et moi-même qui n’attribuai jamais à ces jeux d’autre valeur que celle d’un amusement passager, essayâmes sur l’intelligence complaisante de quelques débutants littéraires la mystification des voyelles colorées, de l’amour thébain, du schopenhauérisme et de quelques autres balivernes, lesquelles, depuis, firent leur chemin par le monde. J’ai quitté Paris et vécu de longs mois en province, trop occupé de chagrins domestiques pour m’intéresser à la vie littéraire. Ce n’est qu’accidentellement que j’appris l’instrumentation de M. Ghil, les schismes divers qui déchirèrent l’école décadente et les démêlés de Verlaine avec Anatole Baju.

— Du symbolisme lui-même, que pensez-vous ?

— Mais de tous temps les poètes ont parlé par figures ! Depuis Dante et la Vita Nuova, depuis même