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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

qu’au plus raffiné décadent, c’est une chaîne non interrompue d’héritages. Ceux dont vous vous occupez pourraient-ils ce qu’ils peuvent en notre art, sans le métier que leur montrèrent les Parnassiens vilipendés ?

Remontons. Anatole France eût-il fait ce bijou des Noces Corinthiennes, ou Hérédia ses merveilleux sonnets, sans la formule que leur enseigna Leconte de Lisle ? Celui-ci aurait-il édifié son œuvre, si Victor Hugo ne fût venu d’abord ? De père en fils, c’est l’héritage d’efforts que l’on se transmet pieusement. Nier qu’on l’a reçu me semble peu louable ; insulter ceux qui l’ont transmis, me semble un essai de parricide : acte infiniment peu recommandable.

Réussira-t-il, cet essai, et les aïeux resteront-ils morts parce qu’on les déclare tels ? Les pâles phalanges que voici remplaceront-elles Hugo qui nous créa ? J’en doute. Le colosse apportait des montagnes dans ses bras, et nous les a jetées, en disant : « Voilà de la pierre, bâtissez. » On ne veut plus bâtir en pierre. C’est trop long, c’est trop dur. On cisèle des noix de coco, ou parfois des noisettes. — « Mon Dieu, je vous l’offre », disait la nonne aux pénibles entrailles, et vous savez de quelles noisettes nous parle le conteur. On fait comme elle. On présente son « symbole » dans un vase d’argent :

— « Postérité, je te l’offre. — Grand merci pour l’avenir, mais en voudra-t-il ? Les noix et les noisettes