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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

tentrionaux, M. Bernard Lazare, dans de très belles évocations en prose, a gardé toute la splendeur hiératique des visions du Sépher. Parmi ceux-là, Henri de Régnier semble le seul à suivre la tradition purement française des grands auteurs classiques.

— Quel ménage font en vous le mage et le symboliste que vous êtes tout à la fois ?

— Vous m’embarrassez un peu, me répond en riant M. Paul Adam. J’ai beaucoup d’amis chez les symbolistes, mais j’ai horreur des petites chapelles, j’adore la libre causerie et je crains beaucoup les cafés littéraires où l’orthodoxie est de rigueur, où chacun veut être le premier et tenir cercle, où s’improvisent les formules et s’anathématisent les hésitants. J’ai une formule à moi que je voudrais exercer sans contrôle. L’art, à mon avis, n’a pas son but en lui-même. Je le définirais l’inscription d’un dogme dans un symbole, il est un moyen pour faire prévaloir un système et mettre au jour des vérités. Ce n’est donc pas pour distraire ou pour intéresser que je fais de la littérature ; il me serait égal, en principe, de n’être actuellement lu par personne, car j’ai la conviction que dans vingt-cinq ou trente ans, les quinze cents lecteurs qui me comprennent maintenant seront dix mille et ainsi de suite, progressivement.

— Quels sont donc, alors, les dogmes que vous prétendez inscrire dans vos symboles ?

— C’est d’abord la réalisation de cette synthèse