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ENQUÊTE

rigoureusement la marche d’un entretien avec lui. Ce jour-là, il s’écartait à chaque instant du sujet, et, comme je m’efforçais par toutes sortes de biais à le ramener au symbolisme, il s’emporta plusieurs fois, et frappant de grands coups de poing sur la table de marbre dont son absinthe et mon vermouth tremblaient, il s’écria :

— Ils m’embêtent, à la fin, les cymbalistes ! eux et leurs manifestations ridicules ! Quand on veut vraiment faire de la révolution en art, est-ce que c’est comme ça qu’on procède ! En 1830, on s’emballait et on partait à la bataille avec un seul drapeau où il y avait écrit Hernani ! Aujourd’hui, c’est des assauts de pieds plats qui ont chacun leur bannière où il y a écrit Réclame ! Et ils l’ont eue leur réclame, une réclame digne de Richebourg… Des banquets… je vous demande un peu…

Il haussa les épaules, et parut se calmer, comme après un grand effort. Il y eut un instant de silence. Puis il reprit :

— N’est-ce pas ridicule tout cela, après tout ! Le ridicule a des bornes, pourtant, comme toutes les bonnes choses…

Par bribes, il continua, la pipe constamment éteinte et rallumée :

— La Renaissance ! Remonter à la Renaissance ! Et cela s’appelle renouer la tradition ! En passant par dessus le dix-septième et le dix-huitième siècles !