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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Quelle folie ! Et Racine, et Corneille, ça n’est donc pas des poètes français, ceux-là ! Et La Fontaine, l’auteur du vers libre, et Chénier ! ils ne comptent pas non plus ! Non, c’est idiot, ma parole, idiot.

Toujours il haussait ses épaules, ses lèvres avaient une moue dédaigneuse, son sourcil se fronçait. Il dit encore :

— Où sont-elles, les nouveautés ? Est-ce que Arthur Rimbaud, — et je ne l’en félicite pas, — n’a pas fait tout cela avant eux ? Et même Krysinska ! Moi aussi, parbleu, je me suis amusé à faire des blagues, dans le temps ! Mais enfin, je n’ai pas la prétention de les imposer en Évangile ! Certes, je ne regrette pas mes vers de quatorze pieds ; j’ai élargi la discipline du vers, et cela est bon ; mais je ne l’ai pas supprimée ! Pour qu’il y ait vers, il faut qu’il y ait rythme. À présent, on fait des vers à mille pattes ! Ça n’est plus des vers, c’est de la prose, quelquefois même ce n’est que du charabia… Et surtout, ça n’est pas français, non, ça n’est pas français ! On appelle ça des vers rythmiques ! Mais nous ne sommes ni des Latins, ni des Grecs, nous autres ! Nous sommes des Français, sacré nom de Dieu !

— Mais… Ronsard ?… hasardai-je.

— Je m’en fous de Ronsard ! Il y a eu, avant lui, un nommé François Villon qui lui dame crânement le pion ! Ronsard ! Pffff ! Encore un qui a traduit le français en moldo-valaque !