Page:Huston - Le répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, 1848, II.djvu/81

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Exécrable forfait ! quoi ! l’on ose trahir
La paix et le pardon offerts au repentir :
Désarmés, on les tue, on les pille, on les vole...
Justice! » Et dans les airs l’ombre à ces mots s’envole.
Ô ! vous, de ces fureurs partisans chaleureux,
Échappés par miracle en ce désastre affreux,
Aux lieux encore fumants où l’émeute est passée,
Relisez la leçon que le glaive a tracée :
Ces mots sur le sol même écrits en traits de feu :
Du deuil et de la mort l’empire est en ce lieu !
Voyez ces murs noircis, ces campagnes désertes,
Les dépouilles des morts que la neige a couvertes,
Nos temples démolis, nos villages brûlés,
Et partout des débris que le meurtre a souillés;
Là l’épouse et la mère au carnage accourues ;
Relèvent en pleurant des victimes connues ;
Ici proscrits, fuyards, blessés, mourants ou vifs,
Languissant dans l’exil ou dans les fers captifs,
Voyez d’où sont tombés tous ces dieux populaires,
Que l’insurrection comptait sous ses bannières;
Femmes, enfants, vieillards, sans appui, sans secours,
Dispersés dans les bois, et maudissant leurs jours ;
Les vivants que l’hiver laisse sans nourriture,
Et les morts dans les champs couchés sans sépulture ;
Voilà les fruits amers des folles passions
Que nous donnent trop tôt les révolutions :
D’un courage indompté dévouement parricide,
Qui fait d’une révolte un sanglant suicide.
Oh ! toi de ton pays le malheur et l’orgueil,
Qui voulant l’affranchir le conduit au cercueil,
Étais-tu plus coupable ou bien plus téméraire,
Quand tu fis de l’émeute arborer la bannière ?
Mais te voilà proscrit sur un sol étranger,
Laissons faire le temps qui te devra juger.
Infortuné Chénier! du moins quand tu succombes,
Tu laisses encor des cœurs pour pleurer sur ta tombe.
Et toi, qu’en ce grand meurtre on a sacrifié,
Peuple, nous te devons des pleurs, de la pitié !
 
Suspends, ô mon pays, cet élan téméraire.
Cette ardeur parricide, et ces combats sanglants !
Pleure, oh! pleure du sang!... comme un drap funéraire
De neige un froid linceul étreint tes fils mourants !