Aller au contenu

Page:Huxley - De la place de l'homme dans la nature.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
histoire naturelle

La connaissance exacte des mœurs et du genre de vie des singes anthropomorphes a offert plus de difficultés que l’acquisition de notions précises sur leur structure.

On ne trouve en une génération qu’un Wallace assez bien doué physiquement, mentalement et moralement pour parcourir avec impunité les déserts tropicaux de l’Amérique et de l’Asie, pour réunir dans ses courses errantes de magnifiques collections, et bien plus encore pour faire ressortir avec sagacité les résultats scientifiques de ces collections ; mais, pour un explorateur ou pour un collectionneur ordinaire, les forêts épaisses de l’Asie ou de l’Afrique équatoriale, habitations favorites des orangs-outangs, des chimpanzés ou des gorilles, présentent des obstacles d’une importance peu ordinaire ; l’homme qui risque sa vie, ne fût-ce que par un voyage rapide sur les plages malsaines de ces contrées, peut bien être excusé s’il redoute d’affronter les dangers de l’intérieur des terres, s’il se contente de stimuler l’ingéniosité des naturels mieux acclimatés, et de rassembler en les comparant les récits et les traditions plus ou moins fabuleuses qu’ils sont trop souvent disposés à lui faire.

C’est de cette façon que beaucoup des premiers récits relatifs aux habitudes des singes anthropomorphes ont pris naissance ; maintenant même une bonne partie de ceux qui ont cours, n’ont pas de fondement beaucoup plus sûr. Les meilleures informations que nous possédions, appuyées presque entièrement sur le témoignage direct d’Européens, se rapportent aux gibbons : après celles-là les meilleurs ont trait aux orangs-outangs ; tandis que ce que nous savons des mœurs des chimpanzés et des gorilles reste indécis, faute de l’appui et du développement que lui donnerait le témoignage additionnel d’un témoin oculaire européen et instruit.