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le quartier saint-séverin

y montait par un escalier en pas de vis, mais il était difficile d’y pénétrer, car, dès que l’on hasardait la tête, à son débouché, au ras du sol, tous se taisaient et quelques-uns s’approchaient, prêts, si l’on grimpait une marche de plus, à vous écrabouiller, à coups de souliers, la face. Par contre, dans la pièce du bas, la société était plus débonnaire et s’efforçait simplement de vous carotter des sous. Dans cette salle terne, malpropre, sans caractère, s’entassaient tous les genres de gueux. Des garçons de café sans ouvrage, reconnaissables aux restes gardés des rasures, des bohèmes hirsutes, avec des fils violets ondulant sous la peau détendue de leurs joues grises, des marchands de mégots avec leur bissac, des galefretiers, des chiffortonnes coiffées de marmottes et chaussées de socques, des traînées en cheveux, avec des bouches démantelées par les daviers des rixes ; et les uns dormaient, le dos contre le mur ; les autres, le buste aplati sur la table. Puis, subitement, la porte s’ouvrait, comme poussée par une rafale, et des camelots vendaient précipitamment, à des gens qui les attendaient sans doute, des ballots de chaussettes volées et, à la moindre alerte, c’était merveille de voir avec quelle rapidité les marchandises disparaissaient dans les poches ou sous les jupes.

Le patron, occupé à verser de l’absinthe et du vin, semblait ne rien voir, et il fallait qu’il vît et qu’il