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le quartier saint-séverin

courbé, portant sur leurs épaules des années de vices et de malechances, et ils partent dans la neige, sous l’œil des sergents de ville réunis devant la porte, pour surveiller la sortie du bouge.

La triste procession s’essaime, en grelottant, dans la rue. Où vont-ils ? Les uns gagnent les halles afin de ramasser des épluchures ou de s’employer, moyennant quelques sous ; les autres errent jusqu’à cinq heures du matin ; ils vont alors manger une soupe à l’asile de Sainte-Anne, puis ils se réfugient dans les églises.

Quant au patron, il boucle solidement sa cambuse, vide la lessiveuse qui bout dans la pièce d’en haut, lave à grande eau le plancher, détruit ainsi autant que possible la vermine.

Cette salle dite du Sénat est également intéressante à voir, pour une autre cause, vers les neuf heures.

Trolliet, marié à une géante au teint couperosé et aux cheveux couleur d’acajou, un type d’ogresse alsacienne, est père de deux petites filles ; on les aperçoit qui font leurs devoirs en bas, dans une minuscule pièce vitrée, éclairée par une honnête lampe, près du comptoir ; et, le soir, ces demoiselles, qui ont des nattes blondes dans le dos, récitent leurs leçons à leur maman. Cette scène paisible de famille, derrière le belluaire, qui surveille sa ménagerie, étonne ; mais, quand neuf heures sonnent, cette surprise devient un