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le quartier saint-séverin

deux heures, dérangés seulement par les allées et les venues des visiteurs qui montent ; conduits par le garçon, — lequel fait, en descendant, la quête, non pour eux, mais pour le patron et pour lui.

C’est à visiter, l’hiver, à deux heures du matin, alors que s’évacue la salle ; on grimpe et l’odeur fade du bas s’aggrave des senteurs échappées, Dieu sait par où, des sulfures. Trolliet lève brusquement le gaz et hurle : « Debout ! » — L’on est sur un champ de bataille ; l’on dirait de ces gens pressés par terre, les uns contre les autres, des cadavres ; ils ont un sommeil de mort, des râles d’agonie ; réveillés en sursaut, ils ressemblent à des blessés évanouis, qui reprennent connaissance ; ils regardent, hagards, on ne sait quoi, puis, éblouis par la grande lumière, ils baissent les yeux et leur premier geste, quand ils se mettent sur leur séant, est de glisser les doigts sous leurs guenilles pour se gratter. — « Allons, dépêchons ! » Et Trolliet salive de côté, et rien ne peut rendre l’effroyable mépris de ces crachats ; alors tous se lèvent et des détails se précisent ; quelques-uns de ces meurt-la-faim, plus propres ou plus dégoûtés que les autres, se sont couchés, en guise de draps, sur un journal qu’ils remportent, — un autre sort d’un sac dans lequel il s’était plongé jusqu’au col ; sans souffler mot, tous descendent en trébuchant, à la queue-leu-leu, la tête basse, le dos