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le quartier saint-séverin

plice de Gamahut dans l’assassinat de la veuve Ballerich, une matrone massive, à la bouche féroce, aux yeux sournois, à la hure éclaboussée d’une tache de sang lui couvrant toute une joue, des lèvres jusques au front ; celle-là tenait du veau et de la hyène. — Mais la plus horrible, c’était encore une vieille de plus de soixante ans, Pauline, dite PauPau ; celle-là ne dessoulait pas ; elle avalait le vin, l’absinthe, le casse-poitrine, pêle-mêle, rôdait avec un cabas dans lequel on apercevait des tronçons de pipes et vous interpellait « Mssieu, toi qu’on dit être si bon, paie-moi une bombe ! » — et le verre de vin était bu d’un trait. Jamais je n’ai vu figure plus lamentable ; c’était une bouillie blême ; tout coulait, le nez, la bouche, les yeux ; le visage se fondait en des ruisseaux de larmes. Chose étrange, dans ce pauvre être où tout sentiment paraissait aboli, il subsistait une certaine élégance de taille, des doigts fins, parfois même des mots recherchés qui détonaient dans ce milieu ; la légende était-elle donc vraie lorsqu’elle racontait que cette femme sombrée dans l’ivrognerie avait été la mère d’un avocat à la cour d’appel qui s’était suicidé de désespoir, après avoir tout essayé pour guérir cette malheureuse de son vice ?

Que sont devenus ces trois monstres depuis les quelques années que je les ai perdus de vue ? Les forces