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les gobelins

dans un bas-fond. Imaginez une grande allée, à perte de vue, flanquée de chaque côté de petits jardinets qui font penser aux courtilles des Invalides, avec leurs bicoquettes et leurs minuscules tonnelles enfouies sous les branches. Ces jardins sont partagés entre les employés et les ouvriers de la manufacture, et ils s’y délassent, le dimanche, chez eux, dans un simulacre de campagne. On se croirait très loin de Paris dans cet espace compris entre la ruelle des Gobelins, la rue Croulebarbe, la rue Corvisart et la rue des Cordelières, si la Bièvre, qui coule à deux pas, n’encensait le site de son odeur stridente d’alcali volatil et de tan. Elle sépare, à gauche et à droite, les usines et les séchoirs des peaussiers et des chamoiseurs du jardin des Gobelins dont les bords sont plantés de salades et de légumes que les tapissiers cultivent. Ces bandes de terre qui fuient, en tournant avec l’eau, en dehors de la clôture, ont été baptisées par eux du nom de colonies, car si elles appartiennent à la métropole, elles sont reléguées loin de la maison, à l’extérieur, au delà des murs.

À l’heure actuelle, malgré la tristesse des froids, les parterres des Gobelins s’égaient de chrysanthèmes couleur de rose d’onglée et de rouille, mais au printemps les arbres fruitiers, maintenant si noirs, se couvrent d’une neige embaumée de fleurs ; seulement,