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le quartier saint-séverin

par les cris des marchands qui se croisaient, par les chandeliers qui bramaient à tue-tête : « chandoille de coton, chandoille ! » par l’herbier qui annonçait ses anis fleurant comme baume, par l’oubloier cher aux enfants, le fabricant de gâteaux secs et de rissoles, qui lançait ce refrain singulier, tout à la fois surpris et peureux : « Dieu ! qui appelle l’oubloier ? »

Il y avait, dans chaque rue, comme une foire à demeure. Les négociants harpaient la clientèle, se disputaient si bien sa bourse qu’un édit décréta que nul ne pourrait aguicher le chaland, tant qu’il serait dans la boutique d’un autre ; c’était la retape commerciale, telle qu’elle se pratiquait, il y a quelques années encore, ainsi qu’un souvenir des vieux âges, sur le carreau du Temple.

La nuit, tout ce hourvari des affaires cessait. Le couvre-feu sonnait à Saint-Séverin ; chacun se barricadait et fermait boutique ; les rues, éclairées par les veilleuses placées au pied des Vierges debout dans leurs cages treillissées de fer, valsaient, silencieuses, dans l’ombre. Alors les écoliers ribaudaient avec les voleurs et les filles. Bien que le prévôt de Paris eût, au quatorzième siècle, rendu une ordonnance prescrivant aux femmes qui s’assemblaient à l’abreuvoir Mâcon et dans d’autres lieux de se retirer, le soir, après dix heures, sous peine de vingt sols parisis d’amende, les filles n’en