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le quartier saint-séverin

montant avec ses marches d’escabeau, dans un fond de nuit ; tantôt, au contraire, il apparaît au loin, tout au bout d’un couloir de cave, et grimpe, éclairé par un jour sans or, comme passé au travers d’une potion trouble. C’est, en plein midi, le crépuscule ; et ces corridors, dont les pierres pleurent des larmes d’encre, sont précédés, pour la plupart, de portes basses et si étroites que l’on ne sait vraiment quelles personnes spécialement étiques, spécialement naines, peuvent pénétrer dans ces chas d’aiguilles, même en s’effaçant, même en se glissant de profil.

La rue de la Huchette, qui fut autrefois égayée par le fri-fri des lèchefrites, n’est plus aujourd’hui qu’une sente triste ; elle donne naissance à deux ruelles qui la rejoignent à la Seine : l’une, assez longue, sale et tortueuse, la rue Zacharie, est surtout façonnée par des meublés de dernier ordre et de bas zings ; elle devait être moins malpropre au Moyen Âge, alors qu’elle s’appelait Sac-à-Lie, car elle ne possédait qu’une taverne et était surtout habitée par des fourbisseurs de lames de sabres et des marchands d’épées ; l’autre, la rue du Chat-qui-Pêche, est si courte qu’elle semble être une simple fente pratiquée entre deux murs ; elle est bancroche et humide, noire et déserte, charmante ; malheureusement, elle se gâte déjà, près du quai. On l’a élargie sans aucune utilité puisque personne n’y