Page:Huymans - La Bièvre, les Gobelins, Saint-Séverin, 1901.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
le quartier saint-séverin

bondées de bouteilles aux goulots engorgés de glandes montrent les stigmates des maux qu’elles renferment. Elles sont les scrofules de la verrerie, l’anémie des litres ; elles sont en accord avec les alcooliques et les malheureux qu’elles dépriment. Forcément, elles ont succédé aux fioles bien portantes de jadis, à ces flacons aux cous trapus, aux larges panses, dont les liquides tonifiaient, au lieu de les empoisonner, les gens qui leur demandaient un réconfort.

En face de cette ruelle, au numéro 11 de la rue de la Huchette, une boutique aux carreaux dépolis se recule, paraît sur le point de tomber à la renverse ; sa façade est sans gloire, et elle n’est rien moins cependant que celle du café Anglais des indigents, du Cubat des gueux. Si l’on veut y dîner, il faut apporter avec soi son pain, car ce restaurant n’en fournit pas. La salle est grande, avec son fond d’ancienne cour planchéiée couverte d’un toit vitré, en dos d’âne. À droite, près de l’entrée, un étal de boucher, des couperets, un tranchoir et des scies ; à gauche, un comptoir derrière lequel se tiennent la patronne et sa fille. Elles y débitent les plats de luxe, le rosbif, le macaroni, le fromage, les confitures, la marmelade, ou distribuent, sur une soucoupe, une poire avec deux noix ; puis, séparé de leur comptoir par une courte allée qui mène dans une petite pièce, un long fourneau sur lequel un homme