Page:Huysmans, La Sorcellerie en Poitou, 1897.pdf/9

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Toujours est-il que Gilles s’éprend de cet homme ; les fourneaux éteints se rallument ; cette pierre des Sages, que Prélati a vu, flexible, cassante, rouge, sentant le sel marin calciné, ils la cherchent, à eux deux, furieusement en invoquant l’enfer.

Leurs incantations demeurent vaines. Gilles, désolé, les redouble ; mais elles finissent par tourner mal ; un jour Prélati manque d’y laisser ses os.

Une après-midi, Eustache Blanchet aperçoit, dans une galerie du château, le Maréchal tout en larmes ; des plaintes de supplicié s’entendent à travers la porte d’une chambre Prélati évoque le diable.

« Le démon est là qui bat mon pauvre François, je l’en supplie, entre », s’écrie Gilles ; mais Blanchet, effrayé, refuse. Alors Gilles se décide, malgré sa peur ; il va forcer la porte, quand elle s’ouvre et Prélati trébuche, sanglant dans ses bras. Il put, soutenu par ses deux amis, gagner la chambre du Maréchal, où on le coucha ; mais les coups qu’il avait reçus furent si violents qu’il délira : la fièvre s’accrut. Gilles, désespéré, s’installa près de lui, le soigna, le fit confesser, pleura de bonheur lorsqu’il ne fut plus en danger de mort.

Ce fait, qui se renouvelle, du sorcier inconnu et de Prélati, dangereusement blessés, en une chambre vide, dans des circonstances identiques, est relaté dans des documents authentiques ; ce sont les pièces même du procès de Gilles.

On peut se figurer combien le mystique qu’était Gilles de Rais dut croire à la réalité du diable, après avoir assisté à de pareilles scènes !

Malgré ses échecs, il ne pouvait donc douter — et Prélati à moitié assommé devait douter moins encore — que s’il plaisait à Satan, ils trouveraient enfin cette poudre qui les comblerait de richesses et les rendrait même presque immortels, car, à cette époque la pierre philosophale passait non seulement pour transmuer les métaux vils, tels que l’étain, le plomb, le cuivre, en des métaux nobles comme l’argent et l’or, mais encore pour guérir toutes les maladies et prolonger, sans infirmité, la vie jusqu’aux limites jadis assignées aux patriarches.

Enfin, Prélati, Blanchet, tous les souffleurs et les sorciers qui entourent le Maréchal, déclarent que pour amorcer Satan, il faudrait que Gilles lui cédât son âme et sa vie ou qu’il commit des crimes.

Gilles refuse d’aliéner son existence et d’abandonner son âme, mais il songe sans horreur aux meurtres. Cet homme, si brave sur le champ