Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/123

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rassasier ; — eh bien, au bout de ces trois mois, je supprime la petite rente que je vais te verser d’avance pour cette bonne action, et alors il volera, afin de séjourner ici ; il fera les cent dix-neuf coups, pour se rouler sur ce divan et sous ce gaz !

En poussant les choses à l’extrême, il tuera, je l’espère, le monsieur qui apparaîtra mal à propos tandis qu’il tentera de forcer son secrétaire : alors, mon but sera atteint, j’aurai contribué, dans la mesure de mes ressources, à créer un gredin, un ennemi de plus pour cette hideuse société qui nous rançonne.

Les femmes ouvrirent de grands yeux.

— Te voilà ? reprit-il, voyant Auguste qui rentrait dans le salon et se dérobait, rouge et penaud, derrière la belle Juive. — Allons, gamin, il se fait tard, salue ces dames. Et il lui expliqua dans l’escalier qu’il pourrait, chaque quinzaine, se rendre, sans bourse délier, chez madame Laure ; puis, une fois dans la rue, sur le trottoir, regardant l’enfant abasourdi :

— Nous ne nous verrons plus, fit-il ; retourne au plus vite chez ton père dont la main est inactive et le démange, et rappelle-toi cette parole quasi-évangélique : Fais aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent ; avec cette maxime tu iras loin. — Bonsoir. — Surtout ne sois pas ingrat, donne-moi le plus tôt possible de tes nouvelles, par la voie des gazettes judiciaires.

— Le petit Judas ! murmurait maintenant des Esseintes, en tisonnant ses braises ; — dire que je n’ai jamais