Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/181

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l’agita, il fut prêt au travail ; il composa encore du thé en mélangeant de la cassie et de l’iris, puis, sûr de lui, il se détermina à marcher de l’avant, à plaquer une phrase fulminante dont le hautain fracas effondrerait le chuchotement de cette astucieuse frangipane qui se faufilait encore dans sa pièce.

Il mania l’ambre, le musc-tonkin, aux éclats terribles, le patchouli, le plus âcre des parfums végétaux et dont la fleur, à l’état brut, dégage un remugle de moisi et de rouille. Quoi qu’il fît, la hantise du xviiie siècle, l’obséda ; les robes à paniers, les falbalas tournèrent devant ses yeux ; des souvenirs des « Vénus » de Boucher, tout en chair, sans os, bourrées de coton rose, s’installèrent sur ses murs ; des rappels du roman de Thémidore, de l’exquise Rosette retroussée dans un désespoir couleur feu, le poursuivirent. Furieux, il se leva et, afin de se libérer, il renifla, de toutes ses forces, cette pure essence de spika-nard, si chère aux Orientaux et si désagréable aux Européens, à cause de son relent trop prononcé de valériane. Il demeura étourdi sous la violence de ce choc ; comme pilées par un coup de marteau, les filigranes de la délicate odeur disparurent ; il profita de ce temps de répit pour échapper aux siècles défunts, aux vapeurs surannées, pour entrer, ainsi qu’il le faisait jadis, dans des œuvres moins restreintes ou plus neuves.

Il avait autrefois aimé à se bercer d’accords en parfumerie ; il usait d’effets analogues à ceux des poètes,