Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

employait, en quelque sorte, l’admirable ordonnance de certaines pièces de Baudelaire, telles que « l’Irréparable » et « le Balcon », où le dernier des cinq vers qui composent la strophe est l’écho du premier et revient, ainsi qu’un refrain, noyer l’âme dans des infinis de mélancolie et de langueur.

Il s’égarait dans les songes qu’évoquaient pour lui ces stances aromatiques, ramené soudain à son point de départ, au motif de sa méditation, par le retour du thème initial, reparaissant, à des intervalles ménagés, dans l’odorante orchestration du poème.

Actuellement, il voulut vagabonder dans un surprenant et variable paysage, et il débuta par une phrase, sonore, ample, ouvrant tout d’un coup une échappée de campagne immense.

Avec ses vaporisateurs, il injecta dans la pièce une essence formée d’ambroisie, de lavande de Mitcham, de pois de senteur, de bouquet, une essence qui, lorsqu’elle est distillée par un artiste, mérite le nom qu’on lui décerne, « d’extrait de pré fleuri » ; puis dans ce pré, il introduisit une précise fusion de tubéreuse, de fleur d’oranger et d’amande, et aussitôt d’artificiels lilas naquirent, tandis que des tilleuls s’éventèrent, rabattant sur le sol leurs pâles émanations que simulait l’extrait du tilia de Londres.

Ce décor posé en quelques grandes lignes, fuyant à perte de vue sous ses yeux fermés, il insuffla une légère pluie d’essences humaines et quasi félines, sentant la