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LE POÈME EN PROSE DES VIANDES CUITES AU FOUR

À Alexis Orsat.

Ce sont les fallacieux rosbifs et les illusoires gigots cuits au four des restaurants qui développent les ferments du concubinage dans l’âme ulcérée des vieux garçons.

Le moment est venu où la viande tiède et rose, sentant l’eau, écœure. Sept heures sonnent. Le célibataire cherche la table où il se place d’habitude dans sa gargote coutumière et il souffre de la voir occupée déjà. Il retire du casier pendu au mur sa serviette tachée de vin et, après avoir échangé des propos sans intérêt avec les clients voisins, il parcourt l’invariable carte et s’assied, morose, devant le potage que le garçon apporte, en y lavant, tous les soirs, un pouce.

L’humble dépense de son dîner s’accroît maintenant, pour agacer l’appétit interrompu, d’inutiles suppléments de salades durement vinaigrées et d’un demi-siphon d’eau de Seltz.