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Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/193

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M. Folantin, mais un profond dégoût le saisissait dès qu’il franchissait la rive gauche ; puis il avait peine à marcher avec sa jambe qui clochait, et il abominait les omnibus. Enfin, l’idée de faire des étapes, le soir, pour chercher pâture, l’horripila. Il préféra tâter de tous les marchands de vins, de tous les bouillons qu’il n’avait pas encore visités, dans les alentours de son domicile.

Et tout aussitôt il déserta le gargot où il mangeait d’habitude ; il hanta d’abord les bouillons, eut recours aux filles dont les costumes de sœur évoquent l’idée d’un réfectoire d’hôpital. Il y dîna quelques jours, et sa faim, déjà rabrouée par les graillonnants effluves de la pièce, se refusa à entamer des viandes insipides, encore affadies par les cataplasmes des chicorées et des épinards. Quelle tristesse dégageaient ces marbres froids, ces tables de poupées, cette immuable carte, ces parts infinitésimales, ces bouchées de pain ! Serrés en deux rangs placés vis-à-vis, les clients paraissaient jouer aux échecs, disposant leurs ustensiles, leurs bouteilles, leurs verres, les uns au travers des autres, faute de place ; et, le nez dans un journal, M. Folantin enviait les solides mâchoires de ses partners qui broyaient les filaments des aloyaux dont les chairs fuyaient sous la fourchette. Par dégoût des viandes cuites au four, il se rabattait sur les œufs ; il les réclamait sur le plat et très