Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/203

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Vaguement il furetait, n’espérant plus dépister un bouquin qu’il joindrait aux siens. Mais cette promenade le distrayait, puis, quand il était las de remuer la poussière des imprimés, il se penchait au-dessus des berges et la vue des bateaux aux coques goudronnées, aux cabines peintes en vert poireau, au grand mât abattu sur le pont, lui plaisait : il demeurait là, enchanté, contemplant la cocotte mijotant sur un poêle de fonte, à l’air, l’éternel chien noir et blanc courant, la queue en trompette, le long des péniches ; les enfants très blonds, assis près du gouvernail, les cheveux sur les yeux et les doigts dans la bouche.

Ce serait gai de vivre ainsi, pensait-il souriant, malgré lui, de ces envies puériles, et il sympathisait même avec les pêcheurs à la ligne, immobiles, en rang d’oignons, séparés par des boîtes d’asticots les uns des autres.

Ces soirs-là, il se sentait plus dispos et plus vert. Il consultait sa montre et si l’heure du dîner était lointaine encore, il traversait la chaussée, suivait le trottoir qui faisait face à celui qu’il venait de quitter et il remontait le long des maisons. Il flânait fouillonnant encore des livres dont les dos s’alignaient aux devantures des boutiques, s’extasiant sur d’anciennes reliures aux plats de maroquin rouge, estampés d’armes en or ; mais celles-là étaient enfermées sous verre, comme des choses