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Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/214

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des forcenés, et leur accent, souligné par des gestes d’épileptiques, hachait les phrases et vous les enfournait, toutes broyées, dans le tympan.

Presque tous faisaient partie de la jeunesse des écoles, de cette glorieuse jeunesse dont les idées subalternes assurent aux classes dirigeantes l’immortel recrutement de leur sottise ; M. Folantin voyait défiler devant lui tous les lieux communs, toutes les calembredaines, toutes les opinions littéraires surannées, tous les paradoxes usés par cent ans d’âge.

Il jugeait l’esprit des ouvriers plus délicat et celui des calicots plus fin. Avec cela, la chaleur était écrasante. Une vapeur couvrait les assiettes et voilait les verres ; les portes brusquement secouées envoyaient des exhalaisons de tabagie ; des troupeaux d’étudiants arrivaient encore et leur attente impatientée pressait les gens à table. De même que dans le buffet d’une gare, il fallait mettre les bouchées doubles, avaler son vin en toute hâte.

Ainsi, c’est là la fameuse table d’hôte qui distribuait jadis la becquée aux débutants de la politique, songeait M. Folantin, et la pensée que ces gens qui emplissaient les salles de leur bacchanal deviendraient, à leur tour, de solennels personnages, gorgés et d’honneurs et de places, lui fit lever le cœur.

S’empiffrer de la charcuterie chez soi et boire de l’eau, tout, excepté de dîner ici, se dit-il.