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Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/40

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en gouttes brillantes autour du cou, se dandinaient avec des mines de pies-grièches, au bras de bouchers de l’abattoir de Grenelle, de solides gaillards au teint de viande crue, aux voyants foulards attachés par des noeuds régate sur des gilets de tricot, à manches.

Ceux-là n’avaient ni le geste déluré, ni l’attitude faraude des militaires. Plus populaciers mais moins canailles, ils soulevaient en dansant d’abondantes panses, se gonflaient la bouche, jouant les gens essoufflés, et de même que les cochers par les temps de froid, ils s’enlevaient pesamment, les pieds joints comme à la corde et ils se jetaient les bras en croix sur les épaules.

— Tiens, v’là Ninie, ohé, Ninie !

Ce cri traversa les rafales de l’orchestre ; dans un groupe de fantassins, un trou se creusa d’où jaillit une petite boulotte qui se rua en plein quadrille et, troussée jusqu’au ventre, gigota, montrant, sous le blanc madapolam de ses culottes, du nu de cuisses.

— Eh ! aïe donc, Titine, criait-elle à son vis-a-vis, une morveuse de seize ans, la bouche en avance, découvrant sous un nez rentré de courtes dents un peu écartées et comme limées, qui levait sans discontinuer, en l’air, au milieu d’un cercle de danseurs, une maigre jambe encore effilée par le rouge clair d’un bas en fil d’Écosse.