Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/46

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qui buvait, silencieux, près d’elle ; lourdement, il portait sur un cou de taureau, un crâne tondu à la mal-content, un front bas, une épaisse moustache jaune. Elle sembla soupeser, d’un coup d’œil, la force de ses épaules, la puissance de ses jarrets et de ses reins, les promesses de son air de fauve et de brute, puis elle se leva et, les yeux plantés dans le couloir qui longeait l’enceinte du bal, elle parut jauger la carrure et la mine bestiale des autres cuirassiers qui emplissaient les tables ; elle sourit, satisfaite, retomba sur sa chaise, et commanda une autre bouteille.

— Thérésa, dit Mme Haumont, en la tirant doucement par sa manche, voilà Léonie.

— C’est égal, quelle rien du tout que cette femme-là, dit à voix basse Mme Tampois, elle ne connaît même pas ce militaire...

Mais Mme Haumont prit un ton pincé :

— C’est la fille du père Gillet, vous savez bien, celui qui a demeuré longtemps sur notre palier, le mécanicien de chez Cail. Thérésa peut s’amuser, ça la regarde, mais cette femme-là, voyez-vous, elle n’a pas sa pareille pour l’honnêteté ; elle ne ferait tort d’un sou à personne. Et puis, vous savez, c’est d’un luxe chez elle, si vous voyiez cela ; elle est entretenue, du reste, par un Monsieur bien...

Et, d’un ton confidentiel elle ajouta :

— Un homme de la noblesse, ma chère.