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Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/84

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se démène ; votre cou craque, vos yeux jaillissent, la congestion commence, la folie menace. Dans une dernière lueur de bon sens, dans une dernière prière, l’on implore le ciel, l’adjurant de vous accorder un genou, une tête de veau, de vous rendre chauve !

L’opération se termine pourtant. On se lève chancelant, pâle, comme au sortir d’une longue maladie, guidé par le bourreau qui vous précipite le chef dans une cuvette, vous le saisit à la nuque, l’asperge à grands flots d’eau froide, puis le comprime fortement, à l’aide d’une serviette et le reporte dans le fauteuil où pareil à une viande échaudée, il gît sans mouvement, très blanc.

Il ne reste plus, après les cruelles souffrances endurées, qu’à subir le dégoût des manipulations finales, l’enduit de poix écrasé dans les paumes et plaqué sur le crâne écorché de nouveau par les dents des peignes.

C’est fait, on est dégarroté, debout, libre ; l’on écarte les offres de savon et de lubin ; l’on paye et l’on fuit à toutes jambes, de la périlleuse officine, mais, au grand air, l’égarement s’efface, l’équilibre revient, les pensées reprennent tranquillement leur marche.

On se trouve mieux portant, moins mûr. En même temps qu’il vous sarclait le poil, le merlan vous a comme par miracle allégé de plusieurs ans ; l’atmosphère semble plus clémente et plus neuve, des