Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/103

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être si tu voulais bien. Voyons, il n’a pas l’air d’un méchant homme, tu en serais peut-être quitte pour quelques reproches. Quant à moi, je me sacrifierai, je ne te verrai plus, je m’efforcerai de t’oublier si cela peut te rendre la vie heureusel Ah ! je souffre de te parler ainsi, de plaider contre mon propre cœur, mais je le dois, après le mal que je t’ai fait involontairement, car l’amour ne raisonne pas, je veux t’empêcher d’achever ton malheur par un esclandre. Mon Dieu ! Mon Dieu ! Que tout cela est triste, pauvre chérie, va, oh ! Nous ne sommes pas heureux ! le ciel est témoin que si cela dépendait de moi, mais je ne sais pas, que puis-je faire, dis, quoi ?

Il avait l’air si lamentable et si penaud qu’elle, en eut presque pitié.

On tocqua discrètement à la porte, puis une voix de femme s’entendit : Monsieur Alexis, on vous attend pour déjeuner.

Berthe demeura stupide. Elle regarda cet homme qui mettait son paletot et se donnait un coup de brosse avant de descendre.

Alors, elle songea que tandis que tout s’était effondré autour d’elle, tandis que son existence était à jamais perdue, lui, son amant, allait tranquillement au milieu de sa famille, déjeuner comme de coutume. L’immense infortune qui l’accablait n’avait même pas rejailli sur lui. Il était pourtant aussi coupable qu’elle ! Cette dérision du sort l’indigna. Pour ce bellâtre, elle avait trompé un mari qui valait certes mieux ; pour ce lâche qui ne cherchait qu’à se