Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/105

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sur son siège, les dents sèches, le regard naufragé, l’air fou.

Inquiète de ne pas l’avoir vue, la veille, à sa soirée et craignant, malgré les assurances de son mari, qu’elle ne fût sérieusement malade, madame Désableau arriva, sur ces entrefaites, et la secoua, terrifiée, par cette raideur cassée, par ces sursauts et par ces râles ; elle la supplia de lui répondre, lui demanda où était André, courut au travers des pièces à la recherche d’une fiole d’eau de mélisse, comprit au désordre de l’appartement, à la porte d’entrée laissée ouverte, qu’une rafale de malheur s’était ruée sur cette maison et l’avait culbutée de fond en comble ; elle revint près de sa nièce, la serra dans ses bras, saisit dans les phrases décousues qu’elle lui arrachait qu’André s’était enfui ; alors, elle l’enroula dans une couverture et l’emporta en un fiacre chez elle.

Là, Berthe s’apaisa et consentit à tout avouer. Désableau bouleversé, s’écria « malheureuse ! » puis, sa fureur fit volte-face et, s’abattit sur André. C’était un misérable qui devait fréquenter les gourgandines, il n’avait, après tout, que ce qu’il méritait. Mais comme à la moindre allusion à son mariage, Berthe avait des ébranlements nerveux, des crises qui la jetaient, trépidante, contre les meubles, force fut à son oncle de se taire ; il se promit seulement, le jour où elle serait rétablie, d’épancher sa bile.

Peu à peu l’atmosphère pacifiante de la famille la calma. Elle s’abandonnait, se pelotonnant sur une chaise, s’y attiédissant, des heures entières ; in-