Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/106

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sensiblement, elle s’aveulissait, ne désirait plus qu’une chose, qu’on ne la tirât point de sa langueur, qu’on lui permît comme à un animal qui souffre, de lécher sa plaie, là, dans le coin où elle s’était mise.

Quelques jours s’étaient écoulés ainsi. Anonchalie et comme réduite, elle avait des douceurs de convalescente, des sagesses de petite fille ; elle acceptait avec bonheur maintenant la monotonie des soirées de famille, l’invariable bercement des conversations qui s’échangeaient, autour d’elle, pour ne rien dire.

Le soir, où assis dans la salle à manger autour de la table sous la suspension, ils étaient tous assemblés, la mère tailladant de l’étoffe, la fille peinturlurant une image, le père sirotant sa tasse de café et combinant des patiences, Berthe rêvassant, les pieds au feu, sur un fait divers, madame Désableau qui achevait de faufiler la bâtisse du corsage, appela sa fille.

— Viens ici, Justine, que je t’essaie ta robe et elle lui enfila une casaque, piquée sur une doublure grise, sans manches, cousue à grands traits.

— Voyons, tiens-toi droite, continua-t-elle.

Elle leva le bras de l’enfant et, sans se hâter, avec précision, elle pinçait l’étoffe trop large sous les aisselles. Puis, en la prenant par les deux épaules, elle fit pivoter sa fille, comme un tonton, lui donnant avec son dé de petits coups sur les doigts pour la faire rester en place. Le col l’inquiétait ; elle ramenait les deux pans de la doublure, les assujettissait par une épingle, plissait avec le plat de la main l’étoffe qui tombait droite, la forçant de suivre les contours de la poitrine