Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/111

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en les coupant et il disposa, pensivement, ses paquets à d’égales distances.

Inquiétée par les rougeurs qui marbraient la face de son mari, madame Désableau prépara en silence, un verre d’eau sucrée à la fleur d’orange et elle le mit devant lui, dans une assiette, sur la table.

Désableau sourit doucement.

— Tu es bien la meilleure des épouses, dit-il.

Et ils s’attendrirent tous les deux, pensant que dans ce déluge de misères et de vilenies, ils étaient, dans leur petit ménage, à l’abri comme sur l’arche. Le malheur de leur nièce les ragaillardit sans qu’ils en eussent conscience. La placidité dont ils jouissaient depuis tant d’années et que la force de l’habitude leur faisait paraître toute naturelle, leur sembla soudain une grâce spéciale. Presque guillerets, ils passèrent pour se livrer au sommeil, ce symbole de la mort, comme l’appelait M. Désableau, dans leur chambre à coucher et, là, après avoir remonté sa montre, le mari se débarrassa de son habit et de son gilet et montra un dos qu’écartelaient d’une croix de Saint-André deux bretelles roses.

Puis il enleva son pantalon et ses chaussettes, s’insinua entre les draps et, là, regardant sa femme qui avait ôté son faux chignon et se liait les cheveux sur le haut de la tête, en paquet d’échalottes, il lui dit, désignant du doigt la couchette de sa fille endormie, transplantée, depuis le retour de Berthe, dans leur propre chambre :

— Espérons que notre Justine épousera un jour un