Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/112

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employé, un homme estimable et non un saltimbanque et un artiste, comme notre pauvre nièce.

Madame Désableau avait la bouche remplie par les épingles qu’elle retirait de sa tignasse. Elle se borna à lever les yeux au ciel comme pour implorer elle aussi, cette faveur, se hissa à son tour sur le lit et tourna le bouton de la lampe, mais la mèche carbonisée se brisa sur le rebord du bec, fignolant par saccades, crachant des postillons d’huile contre le verre, lançant d’âcres puanteurs. Madame Désableau se rua hors des draps, emporta la lampe dans l’autre pièce, la souffla, revint précipitamment se blottir, toute grelottante, contre son mari.

Alors, tout se régularisa. Les jérémiades à propos des mèches éventées, les apostrophes menaçantes pour l’art, prirent fin. Les deux bosses qui se déplaçaient sous les couvertures s’immobilisèrent, les oreillers replièrent leurs cornes. L’on n’entendit plus que le tic-tac régulier de la pendule, l’imperceptible galop d’une montre ; puis, léger comme une brise, le doux « put, put » d’un ronflottement monta, soutint quelque temps, dans le silence de la pièce, sa note tremblée, s’affaiblit peu à peu, expira en un insaisissable soupir sur les lèvres du couple.