Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/146

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chaque fois qu’elle lui parlait de sa femme, Mélanie conclut que Madame n’allait pas mieux, et retenant le nom de la maladie qu’André lui avait cité, à tout hasard, elle consulta l’herboriste du Gros-Caillou qui fut d’avis que la patiente trépasserait un jour ou l’autre.

Rassurée, Mélanie crut néanmoins de son devoir de continuer ses jérémiades et après avoir activé la crise, elle contribua à l’aggraver. André s’amollissait maintenant dans une fainéantise traversée de réveils et de rages lorsqu’il était chez lui, seul, mais à l’heure du dîner, un profond découragement succédait à ses colères. Il mangeait vite et sans faim, ainsi qu’un homme qui se dépêche d’accomplir une corvée. Les coups de timbre appelant Mélanie sonnaient à la file et avec une telle rapidité qu’elle demeurait béante, le cou gorgé de soupe, lorsqu’il réclamait le fromage et le dessert. Il songeait, le nez sur un livre, qu’il ne lisait point et, une fois le repas terminé, il emportait son volume avec lui et allait s’affaler sur un fauteuil, dans son cabinet de travail.

Les soirées qui s’allongeaient en clarté le désespérèrent. L’état aigu de la crise se déclarait, le soir surtout, comme la fièvre qui reprend, dès le crépuscule, le malade fatigué par la vie du jour. C’était moins la hantise des spectacles lubriques qu’une appétence nerveuse vague, qu’une rêverie confuse. Il désirait la femme, non pour l’étreinte charnelle de son corps, mais pour le frôlement de sa jupe, la cliquette de son rire, le bruissement de sa voix, pour sa société,