Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/148

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souffle, elle chassant du bout du pied les écales sèches des châtaignes, lui, les mains tremblantes et le cœur battant, ne sachant s’il devait oser ou se taire. On les avait ramenés et la jeune fille avait été fortement grondée. La famille avait certainement cru à une intention d’accident qu’il n’avait pas eue pour sa part.

L’évocation de cette scène était si exacte, si claire, qu’André ressentait le même frisson, la même gêne qu’au moment où elle s’était passée.

Suivant cette filière de souvenirs, il supprimait d’un coup la brèche creusée par le mariage de cette jeune fille entre eux et il se figurait que l’ayant épousée, il coulait avec elle une existence de douceur et de paix, puis, revenu à lui, il se traitait d’imbécile et d’enfant, allumait la lampe qui dissipait, avec sa clarté, toutes ces rêveries flottantes et soudainement mises en émoi depuis près de quinze ans qu’elles sommeillaient et semblaient mortes.

Mais la gaieté de la lumière n’empêchait pas son esprit de songer encore. Si l’obscurité aidait à retrouver les souvenirs les plus lointains, la lumière les rajeunissait, les rendait plus rapprochés et plus précis. André, sautant même brusquement, d’une époque à une autre, enjambait les années intermédiaires, les amours de hasard, et l’association des idées s’établissant forcément entre les deux seules filles honnêtes auxquelles il avait fait la cour, sa pensée s’arrêtait de nouveau à Berthe.

Elle-se levait maintenant devant lui et éloignait comme