Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un geste tous les souvenirs qui voguaient et sombraient lentement dès son approche. C’était elle, elle seule qui dominait. Il la fixait, la voyait telle qu’elle était, et à force de la fixer, il finissait même par ne plus la voir d’une façon distincte. Il y avait un moment où, positivement, il cherchait à se représenter son visage. Une nouvelle fureur l’animait contre elle et contre son amant, puis quand la sensation s’émoussait par sa violence même, il était étreint par de lâches regrets. Ah ! décidément il eût mieux valu rester avec elle. Il n’aurait pas été en somme le premier à qui pareille aventure fût advenue. C’était un rôle ridicule ! Eh bien après ? C’était l’opinion du monde qui ne se préoccupe ni du caractère, ni des besoins des individus et jauge avec la même verge toutes les espèces. Si c’était à recommencer il se serait raisonné, il aurait accepté l’association d’indulgence mutuelle si fréquente dans les mariages de Paris. Ils seraient demeurés bons amis, se pardonnant de mutuelles frasques, mettant chacun du sien, pour se rendre l’existence paisible ; il ne serait pas réduit à vivre ainsi seul ! – et il s’assoupissait dans des rêveries incohérentes où défilaient des cajoleries de femme en quête de pardons, et des soins d’honnête garde-malade, des rêveries souriantes et légères, qu’interrompaient brusquement des pas montant l’escalier, des pas qui lui frappaient dans la poitrine et qu’il arrivait à prendre, mal réveillé, pour des pas de femme, pour les pas de Berthe. Ah ! si elle avait l’idée de venir sonner à sa porte ;