Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/175

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le nom de Désableau. Les pensées reprenaient alors leur marche, soufflant à André de nouvelles colères contre cet homme qui s’avançait maintenant au premier plan. Le froid mépris qu’André professait depuis des années pour lui s’échauffait tout d’un coup et éclatait en rage. Il se remémorait ses usuels rabâchages, ses sempiternelles doléances ; il le revoyait, se plaignant de la besogne de son bureau, parlant de la responsabilité qui lui incombait, de l’inexactitude des malheureux placés sous ses ordres, commentant la poignée de main de ses supérieurs, lisant dans leur sourire des promesses certaines ou s’inquiétant et revenant, brisé, lorsque leur accueil lui avait paru moins engageant ou plus froid.

Et, ramenant tout d’un coup, à la campagne, dans la petite salle à manger, à peine garnie, avec un lit plié dans un coin, les monotones soirées qu’il avait subies dans cette famille, après son mariage. André songeait à la solennité de Désableau disant après le dîner dès qu’on ôtait la nappe : non, pas de patiences ce soir, le devoir avant tout, mes enfants ; et il tirait d’une volumineuse serviette de chagrin, estampée à son chiffre, des minutes d’employés qu’il biffait du haut en bas et recommençait à rédiger dans une langue plus gourmée et plus digne. André avait la nouvelle vision de la famille invariablement occupée de la sorte : madame Désableau regardant entre deux aiguillées voler les mouches et faisant, avec des clins d’yeux, de silencieuses recomman-