Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/176

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dations à sa fille de ne pas troubler, en bougeant, le travail du père ; Berthe cousant, le nez dans son ouvrage, échangeant, tous les quarts d’heure avec sa tante une banalité à voix basse ou se levant sur la pointe du pied, ouvrant avec précaution la porte pour aller chercher un objet oublié dans sa chambre ; enfin, dans le silence seulement troublé par un clapotis lointain de vaisselles et par le crachement de la plume sur le papier, Désableau en arrêt devant une phrase, hésitant pendant des heures entre un mot et entre un autre, se prenant le menton, mâchant son favori droit, grognant, se plaignant du vacarme de la bonne dans sa cuisine, du bruit de la petite qui reculait sa chaise.

Un dégoût profond lui venait pour ce bourgeois plein de préjugés, pour ce fonctionnaire gonflé d’importance, sans pitié pour un écart et pour une fantaisie, pour ce vieillard étriqué, confit dans des usages de maniaque, offusqué par toute idée neuve, dont l’habituelle conversation, lorsqu’elle ne s’attachait pas à la politique ou à la morale, déplorait avec d’inapaisables colères, l’hostilité de ses subalternes, les conjurations de son garçon de bureau qui se permettait de lui apporter le quinquet des simples employés au lieu de la lampe à laquelle il avait droit, de la lampe de son grade.

André s’étonnait maintenant d’avoir pu accepter si bénévolement jadis les remontrances de cet imbécile. Il excusait sa femme qui avait été élevée dans ce milieu déprimant et il la plaignait d’y être re-