Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/179

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et autres ainsi qu’une bonne ménagère, ne se résolvant à aucune avance, ayant l’air d’une femme entrée dans ce café plutôt par hasard que par métier ou par besoin.

André continuait à lui débiter des galanteries sans improviste. La langue opérait seule, l’esprit travaillait de son côté. L’envie de posséder cette femme, le désir d’échapper à la solitude, de rompre, coûte que coûte, la monotonie hébétante de sa vie, l’espérance d’avoir une maîtresse qui endormirait ses convoitises de tendresse, la soif enfin de placer de la chair de femme sous ses lèvres le tenaient, Sa continence se fondait, une rumeur grandissait en lui, puis la défiance, la sagesse reprenaient le dessus, il soupçonnait les ficelles ordinaires, les mollesses prévues. Il restait abîmé dans ses rêveries, sans même s’apercevoir que sa langue s’était arrêtée, qu’il ne parlait plus.

Cyprien se mit alors à jouer le rôle de ces compagnons tisserands qui, reprenant le fil lâché par leur camarade, y font un nœud. Il continuait, en les arrêtant, les phrases interrompues d’André.

La femme fut étonnée du silence du jeune homme.

— À quoi pensez-vous donc, lui dit-elle, en souriant ?

Il se réveilla et, un peu ébaubi, regarda le bas de soie bleu-marine sémillant sous la robe troussée, Il complimenta la femme sur son petit pied, répéta les vulgarités que ce sujet inspire d’habitude ; elle rit ainsi qu’une femme accoutumée à tirer ses quenottes