Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/18

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— Conséquence de tes théories : la mise en fourrière de toutes les passions, l’apothéose de la fille publique – les cabinets à trois sous de l’amour ! – et par-dessus le marché, la glorification de la femme de ménage qui vous chipe la bougie et le sucre !

Oui, c’est amusant d’allumer des paradoxes, mais il est un moment où les feux de Bengale sont mouillés et ratent ! – On ne rit plus alors – je me suis marié, parfaitement, parce que ce moment-là était venu, parce que j’étais las de manger froid, dans une assiette en terre de pipe, le dîner apprêté par la femme de ménage ou la concierge. – J’avais des devants de chemise qui bâillaient et perdaient, leurs boutons, des manchettes fatiguées – comme celles que tu as là, tiens – j’ai toujours manqué de mèches à lampes et de mouchoirs propres. – L’été, lorsque je sortais, le matin, et ne rentrais que le soir, ma chambre était une fournaise, les stores et les rideaux étant restés baissés à cause du soleil ; l’hiver c’était une glacière, sans feu, depuis douze heures. J’ai senti alors le besoin de ne plus manger de potages figés, de voir clair quand tombait la nuit, de me moucher dans des linges propres, d’avoir frais ou chaud suivant la saison. – Et tu en arriveras là, mon bonhomme ; voyons, sincèrement, là, est-ce une vie que d’être comme j’étais et comme toi, tu es encore ? est-ce une vie que d’avoir le cœur perpétuellement barbouillé par les crasses des filles ; est-ce une vie que de désirer une maîtresse lorsqu’on n’en a pas, de s’ennuyer à périr quand on en possède une, d’avoir l’âme