Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/225

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Il essaya de lui frayer la route, espérant qu’elle aborderait cette question, la première, mais elle parlait d’autre chose, décidée à rester sur la défensive, à le laisser venir.

— Petit loup, lui dit-il, tandis qu’elle écrabouillait sa tranche de citron avec une cuiller et pêchait les pépins qui dansaient dans l’eau trouble, tu te rappelles les bonnes soirées d’autrefois dans ma chambre ?

Elle hocha joyeusement la tête et le regarda avec des yeux noyés et lents.

— Eh bien ? demanda-t-il, en hésitant et se penchant sur elle…

Jeanne gardait le silence, un peut troublée.

Il lui prit la main sous la table ; et murmura, très bas :

— Voyons, dis…

— Ça dépend, soupira-t-elle, tu sais, je ne peux pas te recevoir chez moi.

Ces mots furent une douche pour André.

L’idée d’amener Jeanne chez lui le renversa. Il aperçut la maison bourgeoise qu’il habitait, soulevée, le concierge cherchant noise à la petite, lui criant d’essuyer ses pieds, lui demandant, chaque fois, où elle allait ; Mélanie outrée, déblatérant sur le compte de Jeanne, bougonnant, grognant, se refusant à la saluer et à la servir ; il aperçut d’un coup, la tranquillité de son intérieur fuyant à vau-l’eau, remplacée par tout un enfer de cancans et de luttes.