Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/28

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toute une intimité d’intérieur à l’aise dont il n’avait jamais soupçonné la fin.

Il décrocha sa valise et, amolli, troublé, il retourna chez lui, écoutant, espérant presque un hoquet, un cri, qui le forceraient à s’occuper de sa femme à courir près d’elle. Un immense silence emplissait la maison. André rentra dans son cabinet. Un irrémédiable désordre s’étalait dans cette pièce. Les tiroirs à moitié tirés d’une commode regorgeaient de tricots et de linges ; des chemises, se confondant, les unes avec les autres, tendaient leurs manches, écartaient leurs cols, gisaient, la tête en bas, pliées comme sur une charnière, éplorées et grotesques avec leurs bras et leur ventre vides, leur poitrine ouverte et creusée jusqu’au dos ; des cravates rayaient d’un mince filet noir la flanelle jaune des gilets, des gants allongeaient leurs doigts glacés, couleur de poussière et de mauve, sur la toile bise des caleçons, sur le blanc crémeux des foulards de soie.

La bougie descendait jusqu’à sa collerette de verre. Les tiroirs du bureau, mal repoussés, cassaient en deux des papiers et des élastiques qui avaient enveloppé les liasses, étaient tombés sur le parquet et avaient repris leur forme ronde.

André écarta les rideaux. Les stores étaient baissés. La lueur du petit jour, filtrant au travers des lames, couchait, à d’égales distances, des barres de bleu pâle sur le plancher, reculait, dans la glace, les murs, éveillait, à certains points, la dorure des cadres,