Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/310

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— Nous ne sommes plus jeunes, ma vieille branche, et le temps se gâte ! Le moment me semble venu de jouer les Paul et les Virginie qui se fourrent sous le même jupon par les temps de pluie. T’es grosse et je suis maigre, t’es vaillante et moi je cane ; réunissons ces qualités et, nous complétant l’un par l’autre, nous aurons au moins quelques chances de résister aux tourmentes des événements. Tu dois en avoir assez de passer toujours de la contrebande, et puis, c’est dangereux à la fin, car les douaniers des mœurs, les argousins sont là. – Quant à moi, la vie de garçon m’embête ; à être toujours seul, je me consterne et je me ronge ; pour tout dire, je suis las et les latrines de mon âme sont pleines ! – Voyons, ça ne serait pas raisonnable de venir boulotter et de coucher ici ? d’être comme mari et femme avec la chance en plus de ne pas procréer d’enfants, hein, qu’en dis-tu ? si le collage te plaît, vas-y, tape-moi dans la main, c’est fait !

Elle accepta d’emblée ; le rêve de sa vie mûre se réalisait ; elle baisa Cyprien, le remerciant de sa bonté, disant qu’il verrait, qu’elle n’était pas méchante, qu’elle tâcherait de lui rendre la vie très douce.

— Je le sais bien, ma brave Mélie, répliqua le peintre qui s’émouvait, puis il reprit son calme et parla de l’avenir. Il ne dissimula pas à Mélie que leur existence serait chétive, qu’ils devraient vivre ainsi que des ouvriers, mais elle haussa les épaules, déclarant qu’elle n’avait jamais eu l’habitude de vivre comme une princesse, que le bien-être lui importait peu, qu’avec de l’ordre, elle se char-