Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/311

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geait bien, d’ailleurs, de joindre les deux bouts.

Et leur union commença, sans ces troubles qui agitent des gens plus jeunes. Ils ajustèrent leurs défauts pour les emboîter sans qu’ils se heurtassent. La grosse femme garda la maison, laissant Cyprien badauder au dehors, s’inquiétant à peine de ses absences, prête même à lui pardonner quelques frasques comme l’on accepte, de temps à autre, une sottise sans importance d’un galopin.

— La seule chose que j’exige, fit-elle un jour, c’est, de ne pas les « embrasser » .

Et, en effet, tout le reste ne tirait pas pour elle à conséquence. Retirée de l’amour, du monde, sachant par expérience combien est peu de chose pour des gens vraiment usés le commerce charnel, elle comprenait encore l’entraînement irréfléchi d’un soir, l’acte brutal aussitôt regretté, mais elle s’insurgeait à l’idée que la première venue pourrait obtenir de son homme, comme elle, ce qu’elle considérait ainsi qu’un témoignage de bonne affection, un baiser franchement donné.

Cyprien lui promit tout ce qu’elle voulut ; il sortit et rentra à sa guise, et bientôt chacun se désintéressant de son sexe, une sincère camaraderie s’établit entre eux ; Cyprien pouvait déblatérer sur les vices des femmes, lâcher tout ce qui lui traversait la tête, sans que Mélie se froissât jamais ; elle le laissait parler, souriant, benoîte, disant simplement parfois, de même qu’après le départ de Désableau :

— Mon Dieu, mon vieux Cyprien, que tu es bête !