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Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/51

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elle s’amène toujours chez moi pour tailler une bavette avant de retourner chez elle.

Ils résolurent de se présenter à l’heure dite et comme ils étaient désœuvrés, ils flânèrent sous l’Odéon. L’examen des livres nouveaux fut terminé vite.

— Si nous nous promenions au Luxembourg ? proposa Cyprien.

Ils franchirent la grille de la rue de Vaugirard.

— Hein ? crois-tu, disait le peintre, en avons-nous laissé des souvenirs dans ce jardin ! quel malheur tout de même qu’on les ait changés, avec les allées, de place ! Tiens, montons sur la grande terrasse ; on a oublié de lui rafistoler sa robe et de la pommader.

Et il marchait tranquillement, les mains derrière le dos, salivant de gauche à droite, sans besoin, reprenant :

— C’est égal, voilà un endroit où, après une enfance giflée, j’ai eu une jeunesse bien détroussée par les femmes ! c’est là que j’ai rencontré, pour la première fois, Héloïse, tu sais, la grosse mémère blonde – ah ! non, c’est vrai, tu ne l’as pas connue, toi ! – eh bien, mon cher, elle était pleine de pitié pour mes seize ans ; elle me chipait toutes mes pièces blanches et comme je n’avais point la figure d’un homme satisfait, elle me disait, en face, posément :

— Ce n’est pas moi qui vous trouble ?

Elle me grugeait angéliquement, était pour moi maternelle et digne. Je l’ai souvent regrettée quand j’en ai eu d’autres.