Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/63

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plement. – Je ne paressais guère ; l’on ne pouvait, en bonne conscience, me reprocher que des lectures interdites derrière mon pupitre, des contes de la Fontaine que je considérais alors comme un grand poète. Ça a continué ainsi, indéfiniment. Les années s’abattaient sur les années, les pions s’usaient et étaient remplacés par d’autres, le maître de pension prenait de l’âge et frappait moins fort, les murs de l’étude devenaient plus maculés et plus gluants, les gradins s’affaissaient et se creusaient de plus en plus, et la vie continuait à être la même, stupéfiante et morne.

Il est vrai qu’une fois mon bachot passé, ça n’a guère été plus ragoûtant. J’ai dû donner des leçons de latin dans une famille de la rue d’Anjou. Il s’agissait d’allonger l’intelligence irréparablement courte d’un gommeux. L’héritage de l’oncle est enfin venu, lorsque ma mère était morte à la peine. Dieu de Dieu ! quel tas de boue l’on remue quand on se reporte en arrière.

— Oh ! répliqua Cyprien, il n’est même pas besoin de penser à ses années de collège, pour qu’il vous tombe sur la tête de pleins baquets d’eau de vaisselle. – Je n’ai pas à aller si loin, moi, je n’ai qu’à évoquer le souvenir de mes anciennes maîtresses, de Céline Vatard, entre autres, et me voilà servi ! – Et, quand on songe que j’avais trois cents francs de rentes à manger par mois et que j’ai boulotté le capital avec des cocottes, sous le prétexte de mieux les peindre ! – je devais regagner avec le tableau ce que me coûtait la peau du modèle – fichue spéculation ! – je