Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/79

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doute qu’il eût contracté les infirmités des gens trop souvent assis pour l’élever en grade encore et le décorer.

Solennel à propos de tout, il était d’allure affairée et grave, portait des cols empesé très droits, des cravates noires enroulées par deux fois autour du montant haut derrière la nuque, attachées sous le menton par un nœud très court. Il aimait à pérorer, les mains dans les poches, les jambes écartées, comme un avocat. Au repos, il ouvrait sous un binocle aux verres cerclés de buffle noir, des yeux ébahis qui démentaient le geste habituellement pensif de ses doigts fourrageant dans des favoris couleur de grès.

Sa femme était replète, montrait des blancheurs de viande échaudée et de grands yeux vides. Elle avait un vaste menton tombant sur un plus petit, des pincées de poils gris, rebelles aux épilatoires, le long des lèvres.

Elle suait sang et eau, le jour, pour assurer la vie de son intérieur ; le soir, elle se boulait sur sa chaise, descendait sa gorge et remontait son ventre, disait, toutes les dix minutes, à sa fille : Justine, tiens-toi donc mieux que cela ! se tournait du côté de sa nièce, lui demandait un sommaire des faits notés par le Petit Journal, écoutait son mari qui prenait feu dès qu’on parlait des Chambres.

Les opinions de M. Désableau étaient simples ; il croyait à l’honnêteté des hommes politiques, à la valeur des hommes de guerre, à l’indépendance des magistrats,