Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/89

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ches, sous tous ces combats d’avant-garde, une infinissable et opiniâtre lutte. Désarmé comme tous les malheureux qui ont longtemps vécu seuls, par le moindre simulacre d’affection et de petits soins, André se disait parfois que sa femme était volontaire et têtue, mais qu’au fond c’était une brave et honnête fille qui l’aimait vraiment. Puis il y eut une trêve de plusieurs mois ; il s’imagina que Berthe avait renoncé à ses projets, qu’elle était lasse de ces tiraillements ; il ne comprit pas que, par une évolution nouvelle, elle l’avait, coup sur coup, battu sur toute la ligne. Elle usait en effet maintenant d’un stratagème irrésistible. Elle avait l’habileté de paraître envier une chose à laquelle elle ne tenait point et qu’elle savait être parfaitement désagréable à son mari, et elle y renonçait de son plein gré, pour lui faire plaisir. Il ne restait plus à André qu’à céder sur les points qui lui semblaient moins graves. Encore qu’il fût défiant, il s’empêtrait dans cette embûche et il justifiait, une fois de plus, cette irrécusable vérité que si stupide et si bouchée qu’elle puisse être, une femme roulera toujours l’homme le plus intelligent et le plus fin.

La maladie de leur mariage n’était pas malgré tout arrivée à la période aiguë. La guerre n’éclata, à ciel ouvert, qu’un certain soir. André eut la malencontreuse idée d’inviter à dîner son plus ancien et son meilleur ami, Cyprien Tibaille qui vint sans enthousiasme et lâcha des gants pour la circonstance.

La réception avait été plus que froide. À table, le