Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’affection bougonne de son père, la prud’hommerie gourmée de son oncle, elle eût désiré des laissez-aller, des enfantillages dont elle profiterait dans le tête-à-tête. André avait adopté le ton paternel et bienveillant. Il se tenait surtout sur la défensive et cherchait sous des dehors affectueux à sonder sa femme. Ne pas la choquer en face, ne pas agiter devant ses yeux des lambeaux de rouge, la tenir sans qu’elle sentît trop la laisse, envelopper de délicatesses fondantes la dureté d’un refus, tel était son système. Aussi lorsqu’elle voulut par une guerre sourde, lui imposer, comme jadis à son père, toutes ses volontés, il se rendit promptement compte de cette force d’inertie remuante, de cette ruse que rien ne lassait. Il se rebiffa d’abord, s’avoua à la longue et une fois de plus, avec la mélancolique expérience des gens qui ont beaucoup pratiqué les filles, qu’il n’était pas de force, céda pour avoir la paix ; seulement, tout en disant oui, il démontait par un mot devant Berthe, le mécanisme dont elle se servait. Un jour même qu’il était de bonne humeur, il lui dit, au moment où elle commençait ses manigances : c’est cela que tu vises, dans huit jours tu démasqueras tes batteries ; va, fais-le tout de suite.

Elle devint rouge, bouda, mortifiée d’avoir pour adversaire un homme qui s’arrêtait devant ses pièges et riait, en les montrant du doigt, avant d’y tomber.

Somme toute, ils demeurèrent, les premiers temps, dans une intimité attentive et inquiète. L’un et l’autre s’épiaient, devinant sous toutes ces escarmou-