Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/97

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reproches qu’elle reçut avec l’air d’une victime qui s’attend à tout. Alors il se tut, tâcha de s’enfoncer dans le travail, regarda galoper devant lui la déroute de son ménage ; puis, alarmé un jour, par l’attitude endolorie de sa femme, il se résolut à l’égayer ; il endura même le supplice qu’il avait presque toujours évité jusqu’alors et il s’y accoutuma même sans trop d’ennui, il traîna Berthe dans les salons. Ce fut peine perdue, elle le considérait comme un rabat-joie, s’ennuyait, malgré tout, quand il était là.

Dans cette vie désheurée, les cancans de ses bonnes devinrent ainsi qu’autrefois lorsqu’elle était jeune fille, une attirante distraction, mais elle n’éprouvait réellement de plaisir que dans la compagnie de quelques camarades, jeunes mariées comme elle. Alors, dans la journée, en l’absence des hommes, elles s’installaient près de la cheminée et les papotages sautaient, les petits secrets de l’alcôve s’ébattaient dans les sourires, les confidences commencées s’achevaient dans le va-et-vient des éventails. Chacune se plaignait de son mari, mais leurs yeux à toutes étincelaient lorsque insensiblement la conversation s’arrêtait aux intimités haletantes des nuits. Il y avait des temps d’arrêt, des petits silences coupés par des chuchotements derrière les doigts, des invites à parler plus haut, des exclamations pudibondes et envieuses, des éclats frissonnants de rire. Berthe demeurait silencieuse, se demandant de quelle chair elle était pétrie, comment ses nerfs pou-