Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/98

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vaient rester détendus, comment ses élans n’aboutissaient pas.

— C’est la faute de monsieur ton mari, lui disait l’une. – Ah Dieu ! ma chère, reprenait une autre, moi, j’en mourrais, à ta place ; toutes s’efforçaient de lui arracher des détails précis sur les inhabiles tendresses qu’elle devait subir. Berthe se défendait, ne lâchait que des indications confuses sur lesquelles elles se lançaient, bride avalée, sabrant le mari, le représentant comme un être indélicat et comme un sot.

Berthe arrivait à se convaincre que si elle avait épousé un autre homme, il n’en eût certainement pas été ainsi ; les quelques doutes qu’elle pouvait conserver encore s’évanouirent subitement. Un danseur qui l’invitait à valser dans les bals, lui serrait ardemment les mains et elle éprouvait une sensation délicieuse, un frémissement par tout le corps, une sorte de vertige qui la jetait, lacée étroitement sur lui, pâmée, tressaillante, entre ses bras.

L’homme qui la remuait de la sorte était un grand gommeux, avec des cheveux rares au sommet, poicrés par de la bandoline sur les tempes, couchés sur le front en éventail. Il était mis à la dernière mode, portait des cols évasés comme des soupières, de doubles chaînes de montre, des plastrons bombant, des culottes étroites du fond et larges des pieds. Il débitait d’une voix indolente les balivernes monstrueuses des salons. Il se hasardait peu à peu, était soutenu dans ses projets par toutes les amies de Berthe.

Elles exécraient son mari qui, les redoutant,